La question ethnique en Cote d'Ivoire

Je suis peiné par la situation politique de plus en plus nauséabonde à laquelle nos politiciens, que dirais-je nos pyromanes, sont en train de nous plonger. Que c'est pénible de voir leurs danses funestes ! Je suis plus même meurtri par ce que je lis et entends ici et là, surtout sur les réseaux sociaux, de la part de notre jeunesse. Il est clair que nous n'avons tiré aucune leçon de notre passé récent. Quel dommage ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut craindre une redescente aux enfers. Tant pis pour ceux qui aujourd'hui croient dur comme fer que leur tour est arrivé ! Tant-pis pour ceux qui pensent pouvoir prendre leur revanche ou jouer leur match retour ! Tant pis pour ceux qui pensent qu'ils sont indéboulonnables et invulnérables et peuvent tout se permettre ! Tant pis pour tous ceux et celles qui regardent ces irresponsables allumer le feu et se tiennent coi dans leur coin ! Le feu une fois allumé, sera attisé et consumera tout le monde, à commencer par nous tous qui regardons les pyromanes faire leurs sales boulots. Nous avons pu apprécier la gestion de chacune des tendances politico-tribalo-régionales. Honnêtement, ils sont les mêmes, seule la manière change. La mauvaise gouvernance, avec son lot de corruption, de népotisme et que sais-je encore, date du temps du premier président. Chacun de ses successeurs a simplement ajouté sa touche personnelle correspondant au tempérament de ses suiveurs. Aux jeunes, je leur demande de mieux connaître l'histoire récente de la Côte d'Ivoire plutôt que de se contenter d'écouter les litanies des mêmes voleurs et pilleurs.

Il y a une chose que je retiens de l'Afrique indépendante, c'est son incapacité à aborder la question ethnique et régionale, droit dans les yeux, dans toute sa laideur ou sa diversité, - c'est selon le regard – et imaginer une approche pragmatique pour l'absorber dans la gestion du pays plutôt de faire la politique de l'autruche. Evidemment cela demande qu'il y'ait un leadership conscient de son rôle historique, en tant qu'avant-garde de la marche du pays.Par curiosité, j'ai cherché à savoir comment ailleurs dans le monde, différents pays qui ont fait face à cette réalité, y ont répondu. Je suis tombé sur la Malaisie. La Malaisie est un des dragons d'Asie qui a su émerger pour sortir sa population de la pauvreté. C'est une ancienne colonie Britannique qui a accédé à la souveraineté en 1957. Elle est multi-ethnique et multi-confessionnelle. Sa population se répartit entre 3 grandes familles ethniques : les autochtones Malais, les Chinois et les Indiens. Les 2 dernières ont été amenés par les Britanniques pour suppléer la main d'œuvre qu'ils n'arrivaient pas à trouver sur place. Les Malais sont très majoritairement musulmans, les Chinois bouddhistes et les Indiens hindous. Il y a une minorité Chrétienne. Pendant les périodes qui ont précédé l’indépendance et durant les premières années, le pays a traversé des périodes de fortes violences ethniques. Les Chinois, favorisés durant la colonisation, n’appréciaient pas la nouvelle gestion qui leur était très défavorable, entrainant des heurts avec la majorité Malaise.

Les leaders ont eu l’intelligence d’affronter ces problèmes non pas en se barricadant derrière des principes, mais en regardant les réalités en face. Ainsi, dans le choix du système politique, ils ont opté pour une monarchie fédérale constitutionnelle pour tenir compte de leur histoire, avec un roi et un premier ministre, chef de l’exécutif. En effet, avant la colonisation, le territoire était composé de plusieurs royaumes. Les royaumes ont ainsi pu conserver leur autonomie. Les britanniques avaient crée 2 colonies sur la côte et ont obligé les rois à signer un accord de protectorat avec la couronne. Comme il n’y avait pas un roi central, la classe politique a eu l’ingénieuse idée de créer un royaume avec un roi élu par un collège électoral composé des rois (les sultans) et le premier ministre. Le roi doit provenir forcement de l’une des 9 familles royales régnantes.

L’exécutif assurant la gestion des affaires publiques, ils ont pu contenter les minorités Chinoises et Indiennes. Les partis politiques ont été créés à l’image des groupes ethniques. Ainsi, il y a un parti qui rassemble la majorité des Chinois, un les Indiens et un autre les Malais à côté de plusieurs autres petits partis disparates. Dès l’indépendance, les politiciens se sont mis d’accord pour mettre un cadre de gestion consensuelle en créant une alliance des 3 grands partis. Cette coalition (ce n’est pas un parti politique) a dirigé la Malaisie de 1957 jusqu’aux dernières élections tenues en Mai 2018.

Les minorités Chinoises et Indiennes ainsi que plusieurs Etats à forte majorité musulmane ont voulu avoir un droit de regard sur l’enseignement que l’État a voulu mettre en place, avec l’école primaire devenue obligatoire. Et là encore, la solution a été de laisser une large marge de manœuvre aux Etats et aux collectivités. Il y a une base obligatoire à tous : le Malais est langue d’enseignement, une progression consensuelle, des objectifs définis que tous doivent respecter. Ceci a permis aux Indiens et aux Chinois d’élaborer un programme scolaire qui intègre leurs cultures. De même, certains états et certaines communautés ont intégré une formation religieuse Islamique dans leurs programmes scolaires. Toute école peut intégrer l’apprentissage d’une langue dans son programme s’il y a un nombre de parents d’élèves qui le demandent. Le quota minimum pour être pris en compte a été défini par le gouvernement fédéral. Comme on le voit, il y a une volonté de part et d’autre de trouver une solution à la situation qui a été et qui continue d’être la leur. Et c’est ce qu’on attend d’un peuple et de ses dirigeants.

Peut-être que ce jour viendra, mais en attendant, notre peuple a le pouvoir qu'il mérite, les dirigeants qui sont à l'image de notre société..

Abahebou Kamagate
Ingénieur en génie électrique à la retraite

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