Les dirigeants sont à l'image de leurs peuples

Nous étions étudiants à l'Ecole Polytechnique de Montréal au Canada, une des écoles les plus difficiles du Québec. C'était un weekend et nous étions obligés de bosser comme des dingues pour tenir le coup. A un petit moment de relâchement, un des étudiants, boursiers Ivoiriens comme moi, fait la remarque qu'à cet instant, les étudiants de l'université d'Abidjan devraient être en train de passer leur weekend en vadrouille (musique, boite de nuits, boom, etc).
Pour ceux qui ont connu le monde estudiantin au temps d'Houphouêt (avant les années 90 bien sûr), c'était une petite bourgeoisie. Logés, nourris et blanchis, avec des bourses qui étaient plus élevées que le smig, ils vivaient mieux que beaucoup d'employés. Et la belle vie était la meilleure part de leur quotidien.
Je fis la remarque que nous aurions fait exactement la même chose que les autres étudiants si nous étions à Abidjan. L'environnement Canadien, axé sur la réussite et le mérite, ne nous offrait aucun luxe de perdre de vue ce pour quoi nous étions au Canada.
Ce que je voudrais relever ici, c'est le fait que le même individu ait deux comportements différents dans deux environnements différents. C'est pourquoi j'insiste pour dire que, compte tenu de la mentalité des peuples de l'Afrique au sud du Sahara, Dr. Mahatir (de Malaisie) ou le Général Park Chung-hee (de la Corée du Sud) ou encore Lee Kuan (de Singapour), n'auront pu rien faire dans cette partie du monde, s'ils y avaient été les dirigeants.

La priorité de l'Afrique n'est ni dans la mise en place de mille et une institutions, ni de voter des lois, ni de construire des infrastrutures. La priorité des priorités est d'avoir un peuple dont la mentalité épouse les principes du respect des institutions et des lois, s'approprie la chose publique, se donne les moyens de choisir ses dirigeants et les moyens de contrôler leurs actions. Ce n'est qu'à ce prix que les energies seront libérées.

Les dirigeants sont à l'image de leurs peuples.

Nous sommes tous victimes

Je suis né dans un village de la région de Bondoukou où j'a fréquenté l'école primaire. Je vais au collège dans la grande ville de la région et je suis transféré au Lycée à Bingerville. Après mes études supérieures, je m'installe à Abidjan pour y travailler. Ce cheminement est presque celui d'un grand nombre de mes compatriotes Ivoiriens. Avais-je le choix ? Non ! Je ne suis pas venu au sud parce que j'avais envie d'y venir. M. Laurent Gbagbo n'a pas choisi de quitter Maman pour s'installer à la Riviera parce qu'il en voulait ainsi; M. Henri Konan Bédié n'a pas choisi de quitter son village près de Daoukro pour s'installer à Cocody; il n'avait pas le choix ! Le choix s'est imposé à nous. Les habitants d'Anono, d'Abobo Baoulé et de Jacqueville n'ont pas invité ceux qui se sont installés chez eux; en avaient-ils le choix ?

Nous sommes tous des victimes

Quand les Français se sont emparés des territoires Africains, ils n'ont pas demandé l'avis de ceux qui y habitaient. Ils ont découpé, aménagé, structuré et développé l'espace selon leurs intérêts. Au bout de la ligne, ils ont facilité, sinon organisé le mouvement migratoire selon leurs intérêts économiques. Le réseau de transport orienté du nord au sud en est un témoignage poignant.

Nous sommes tous des victimes

Le modèle économique choisi par le 1er président Félix Houphouët-Boigny s'est bâti sur l'exigence d'une main d'oeuvre disponible et pas chère; ce choix a légué une prospérité économique et un afflux de migrants. Le flou dans la définition de la nationalité dans le 1er code de la nationalité de 1961, la corruption généralisée dans l'administration, le paternalisme et l'insouciance de la population ont distordu la notion juridique de nationalité en la confondant souvent avec celle d'étranger (c'est-à-dire celui qui est venu d'ailleurs).
Tant que l'économie permettait à chacun d'avoir son pain, cette confusion n'a pas déchiré le tissu social. Quand les terres ont commencé à se faire rare, l'administration incapable d'absorber le flot des jeunes diplômés universitaires, l'économie ne pouvant offrir un emploi à tous qui en avaient besoin, c'est l^que le navire Ivoire à commencer à chavirer quand certains politiciens ont fait "des étrangers" leur fond de commerce.

Nous sommes tous des victimes

Le plus grand problème de la Côte d'Ivoire, ce ne sont pas les étrangers (ceux qui n'ont pas la nationalité Ivoirienne). Le plus gros défi, c'est la cupidité et l'affairisme de ceux qui ont un brin de pouvoir : du ministre qui exige sa part avant de signer un contrat, du technicien du service de contrôle automobile qui fait échouer celui qui ne lui verse son "dû", du technicien de la Sodeci qui ferme les yeux sur les pirates d'eau dans les quartiers après avoir reçu son sursalaire, de l'agent de sous-préfecture ou de la mairie qui ne se fait aucun scrupule en prenant un pourboire pour changer un acte de naissance ou en établir un nouveau; la justice qui prend des décisions pas toujours justes.
Quand des pans entiers de l'économie nationale sont contrôlés par des étrangers, il faut faire une lecture introspective et en comprendre les raisons profondes.
L'hypocrisie, face à cette situation, est la seule chose que se partagent tous les partis politiques. Leurs militants et leurs dirigeants ne voient le mal que quand ils en sont victimes. La constitution, version Guei, était décriée par Gbagbo quand il était opposant; il en est devenu un farouche défenseur une fois au pouvoir. Les surfacturations et les gabegies décriées avec tant de vigueur par les militants du RDR quand Bédié était au pouvoir, ont trouvé une justification une fois que leur parti est au pouvoir. Ceux, pour qui la raison du plus fort est la meilleure sous Gbagbo, crient aujourd'hui à la partialité de la justice quand leur parti a perdu le pouvoir.

Nous sommes tous des victimes; nous exigeons de nos responsables

La Côte d'Ivoire a besoin d'une onde de choc pour pouvoir faire face aux vrais défis que constituent les fléaux susmentionnés. Le problème des étrangers trouvera une solution idoine quand le peuple Ivoirien aura une conscience aigüe de la loi, de l'Etat et de ceux qui l'incarnent. Quand le peuple attend du ministre, du maire ou du DG une générosité sans borne, qu'il participe avec de gros montants à toutes les funérailles, baptêmes; qu'il paye les ordonnances de tout un village; qu'il dorlote les notables, les chef religieux, les chef traditionnels; qu'il parraine avec des montants sonnants et trébuchants toutes les activités des jeunes et des femmes; il faut bien que celui ou celle-ci trouve cet argent quelque part car son salaire ne peut pas suffire.

Nous sommes tous coupables

Fonds Régional d’Aménagement Rural

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