L'Ivoirien nouveau doit d'abord naitre en chacun de nous

Depuis l’annonce du président Alassane Ouattara pour un « Ivoirien Nouveau » lors de la campagne électorale, les commentaires fusent de toute part ; aussi bien dans les salons feutrés que sur les places publiques, sur les médias sociaux, les journaux écrits et sur les radios et les chaines de télévision. Le site web « www.abidjan.net » y a même dédié sa rubrique « Focus » invitant « chaque babinaute à donner son opinion afin de dresser ensemble le portrait-robot de l’Ivoirien nouveau ». Cet appel est devenu le nouveau slogan de la classe politique du RHDP dont les membres s’évertuent à le répéter dans tous leurs discours. L’Ivoirien nouveau est décrit dans toutes ses dimensions, sous toutes ses formes. Ces quelques passages des internautes d’Abidjan.net donnent une idée de ce que devrait être ce nouvel ivoirien :
« Ne pas s’adonner aux concours payants, être ponctuel, être dépassionné de politique, être un travailleur, prôner l'égalité du genre., respecter son cadre de vie, avoir l'amour du travail bien fait, adopter le planning familial, respect les symboles de l'État, condamner les coups d’État, être un patriote, ne pas fumer dans les lieux publics, promouvoir la bonne gouvernance, respecter les lois et règlements, être patient et tolérant, respecter de l'environnement, être un bâtisseur, ne pratique pas le cumul de poste, être épris de paix, .prôner la justice et l'équité, être un Homme de parole...être instruit et cultivé, être fidèle, ne pas être corrompu, être former à un métier et éduquer, ne pas être un enfant microbe, être prudent et respecter le code de la route »

Bref, il doit être l’homme parfait. Comment doit-on parvenir à obtenir ce nouvel être ? Là encore de nombreuses idées flottent en l’air. Qui doit agir pour atteindre le résultat ? Presque tout le monde regarde vers une seule direction : le pouvoir exécutif. Il y a cependant un aspect qui n’apparaît presque nul part dans ce foisonnement d’idées : la responsabilité individuelle.

L’individu est le produit de la société dans laquelle il vit et la société est aussi la résultante de la manière de vivre de l’ensemble des individus qui la composent. Il y a une interaction entre l’individu et son environnement. La société est forgée par un ensemble de forces provenant de plusieurs sources, agissant dans plusieurs directions aussi bien convergentes que divergentes. L’Ivoirien d’aujourd’hui n’est, et celui de demain ne sera autre chose que le produit de notre société qui est aussi le reflet de nos cultures. Il en découle que l’Ivoirien nouveau sera le résultat des actions que mène chacune des personnes vivant en Côte d’Ivoire. Si les corrompus sont les plus actifs pour faire émerger cet nouvel Ivoirien, il sera plus corrompu qu’honnête. De même, si ce sont les politiciens qui le forgent, il sera à leur image : en quête d’argent, calculateur, manipulateur. Si ce sont les « serons » qui prédominent, l’Ivoirien nouveau s’occupera d’abord de ses parents, de sa tribu et de sa région sans égards des compétences, des règles économiques et des règles de gestion.

L’Ivoirien nouveau doit émerger dans nos propres consciences individuelles d’abord. Les dirigeants ne sont en réalité que le reflet de leur société. Par conséquent, l’Ivoirien d’aujourd’hui est le plus petit dénominateur commun de la société Ivoirienne. Il est donc un peu chacun de nous. S’il n’y a pas un changement en chacun de nous, personne, y compris le président de la République ne pourra créer cet Ivoirien nouveau, cet Ivoirien « parfait » dont tout le monde parle et souhaite sa naissance.

Pour l'avenement d'un Ivoirien nouveau (2è partie)

Pour bien combattre la corruption, il est important de bien comprendre les éléments qui l’alimentent et l’entretiennent. Nous allons tenter de le faire en nous référant à des recherches effectuées par le professeur Eric M. Uslaner, du Département des études politiques et gouvernementales de l’Université du Maryland–College Park, dans l'État du Maryland aux Etats-Unis . Ses travaux ont porté sur différents pays. Il a analysé l’incidence de plusieurs paramètres sur la corruption ; ce qui l’a amené aux conclusions suivantes :

  1. La corruption est un phénomène persistant ;
  2. les changements d’institutions ou de dirigeants ont un très faible impact sur la corruption ;
  3. Il existe une corrélation ente la répartition des richesses et la corruption en d’autres mots, l’inégalité favorise la corruption ;
  4. la confiance dans les institutions et la confiance entre les différentes communautés ont un impact sur la corruption ;
  5. La corruption est plus accentuée dans les pays pauvres ; cependant l’augmentation du produit intérieur brut n’entraîne pas pour autant un recul notable de celle-ci ;
  6. Les institutions fortes ne sont pas l’émanation des reformes constitutionnelles ou institutionnelles, mais sont le reflet de la culture de la société ;
  7. L’état de droit dépend du respect de la loi par les populations et non du nombre ou de la qualité des lois ou du nombre de cours de justice ou de la qualité du corps judiciaire.

Comme on le voit, la corruption est d’abord et avant tout un état d’esprit. Elle est une chaine auto-entretenue. Elle part d’une situation économique et sociale qui génère une culture : la culture de la corruption avec son vocabulaire, ses gestes, ses comportements. Cette culture à son tour inhibe toute les initiatives positives au profit de la communauté nationale et bloque toutes les tentatives de développement. Le manque de progrès économique accentue la pauvreté et les inégalités. Les inégalités augmentent le manque de confiance dans les institutions et envers les dirigeants et pérennisent la mentalité de la corruption. Ainsi la chaîne est bouclée et la corruption continue à tourner. Pour changer le fonctionnement d’un tel système auto-entretenu, il faut casser la chaine à un endroit en y introduisant de nouveaux éléments. C’est ce que les travaux ont essayé de faire ressortir à travers les cas de certains pays qui ont pu endiguer le phénomène. Ces exemples montrent que la Côte d’Ivoire peux en faire de même. Il suffit de le vouloir. Le combat contre la corruption a eu des résultats très positifs à Hong-Kong, Singapour et au Botswana. Par contre, ils l’ont été nettement moins au Mali, au Nigeria et en Roumanie. Les leçons retenues à l’analyse de ces cas se résument en ces points :

  • La lutte contre la corruption est un travail permanent dont le succès ne peut s’obtenir que dans la durée ;
  • Ni le multipartisme, ni les élections ne constituent la clé, si celles-ci ne respectent pas certaines conditions ;
  • La lutte contre la corruption est accomplie par des organisations indépendantes dotées de pouvoirs forts et de moyens appropriés, travaillant dans une transparence totale, gage de la confiance de la population envers elles ;
  • La lutte nécessite la sensibilisation avant la répression et doit se reposer sur des dirigeants modèles.

Quels sont les éléments qui ont permis le succès dans certains pays ? Les autorités politiques de Hong-Kong , suite à plusieurs scandales, sont arrivées à la conclusion que le niveau de corruption dans leur pays était devenu intolérable et ont alors engagé un combat frontal. Elles ont crée un instrument, la « commission indépendante contre la corruption » (Independent Commission Against Corruption) pour conduire la bataille. Ses premières actions ont consisté à lancer une vaste campagne à l’endroit de toutes les couches de la population; à cet effet, elle a élaboré un programme qui a été inclus dans le cursus scolaire, du primaire au supérieur. Dotée de moyens importants, elle est libre d’entreprendre toute enquête et de poursuivre toute personne. Mais la plus importante partie de son travail a été focalisée sur la sensibilisation en mettant dans la conscience collective les effets néfastes de la corruption sur l’économie et de façon plus générale sur les intérêts du pays. Avec la volonté politique qui a soutenu ce travail, il a été ensuite aisé d’obtenir le soutien de la population. Le « Corrupt Practices Investigation Bureau » a Singapour est le bras armé des autorités de ce pays pour la lutte contre la corruption. Hong-Kong et Singapour étaient dans les années 60 parmi les états les plus corrompus au monde. Ils occupent respectivement les 17è et 7è place dans le rapport 2014 de Transparency International.

Pour obtenir un « Ivoirien Nouveau », il est vital et indispensable de hisser la corruption au niveau le plus élevé des priorités en Côte d’ivoire. La corruption n’est pas une fatalité. Elle est le reflet de la culture de notre société et pour la combattre, nous devons travailler sur cette conscience collective. Et cela ne peut advenir qu’avec un travail collectif incluant toute la composante de l’Etat, la société civile et les médias. La Haute autorité pour la Bonne gouvernance mise en place ne peut réussir seule cette mission. Le travail doit s’appuyer sur des hommes et femmes intègres eux-mêmes et véritablement engagés dans un travail qui ressemble à un sacerdoce. Et cela est possible. Oui, il existe bel et bien dans notre pays des hommes et des femmes qui ont encore une conscience aigüe de l’honnêteté et de l’intégrité et qui sont prêts à aider notre pays à sortir du cercle de la misère. Il suffit d’avoir une réelle volonté au sommet de l'État pour les mettre en mouvement.

Différence entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo

Gbagbo a accédé au pouvoir dans des conditions calamiteuses, avec des centaines de corps gisant dans les rues. Il avait pour soutien toute la communauté internationale qui se réjouissait du départ de l’armée. La France du premier ministre socialiste Jospin était à ses côtés. Il avait le soutien d’une frange très importante des Ivoiriens qui espéraient la fin de l’anarchie qui prevalait et permettrait l’avènement d’une vraie démocratie en Côte d’Ivoire.

Il avait aussi ses ennemis à commencer par les partisans du général Guéi qu’il venait d’évincer du pouvoir, les militants du RDR qui ont subi le courroux de ses partisans pour avoir osé réclamé dans la rue, l’annulation de l’élection présidentielle et l’organisation d’une nouvelle à laquelle leur candidat Alassane Ouattara pourrait participer.

Il y avait ceux qui observaient : certains des jeunes putschistes qui ont fui les exactions et se sont exilés au Burkina voisin. Ils attendaient des garanties pour retourner dans leur pays. Il y avait les ressortissants des régions du nord de la Côte d’Ivoire qui se sentaient humiliés et exclus avec la politique d’ivoirité et qui attendaient que le nouveau pouvoir tourne définitivement le dos à cette politique. Il y avait la France et plusieurs opérateurs Français qui attendaient la nouvelle politique économique et financière.

Qu’a fait Laurent Gbagbo et son régime ? Ils ont simplement ignoré tout le monde, amis comme ennemis et comme un taureau, ont foncé tout droit dans leur refondation. Ils n’ont pas pu entendre les récriminations des intérêts Français, ni prêter attention aux signaux de Blaise Compaoré ; ils étaient sûrs d’eux, l’armée est aux gardes, les jeunes patriotes sont dans la rue, rien ne peut arriver. N’ayant pas pu prévoir la rébellion, ils n’ont pu la prévenir et ont été incapables de la mater.

Aujourd’hui, le mentor est à la Haye sans ses épouses dont une est quelque part en Côte d’Ivoire et l’autre quelque part dans le monde. Boga Doudou est au cimetière avec des milliers d’autres Ivoiriens et non Ivoiriens ; certains partisans de Gbagbo errent au Ghana, d’autres se tournent les méninges en Côte d’Ivoire pour savoir ce qu’il faut faire. En 10 ans, presqu’aucune réalisation n’a pu être rélisée, un bilan véritablement négatif.

Alassane arrive au pouvoir dans des conditions calamiteuses enfourchant des milliers de corps jonchant les rues d’Abidjan et alentour, de l’Ouest pour ne citer ces zones. Il a des amis et des ennemis. Ses partisans sont euphoriques avec la fin de presque 20 ans de souffrance. La communauté internationale est aux anges, pour une fois le « machin » (ONU) a réussi à imposer sa décision. La France de Sarkozy est aux anges, la paix et la stabilité peuvent revenir en Côte d’Ivoire. La très grande majorité des Ivoiriens sont ravis par la fin d’une situation qui était devenue intenable. Il y avait aussi les ennemis : les miliciens et jeunes patriotes qui pullulaient partout, les militants du parti du président déchu Laurent Gbagbo. Il y avait ceux qui, bien que partie prenante regardaient attentivement le partage du butin : les dozos, les rebelles et tous leurs supplétifs, les partis ayant soutenu sa candidature. Il y avait aussi bien sûr les intérêts économiques et politiques Français

Qu’a fait Alassane ? Il a d’abord identifié les forces et les faiblesses des partisans et des adversaires, évitant de foncer comme une bête enragée. Il s’est occupé à stabiliser les forces de sécurité, donner des gages à ses partenaires, collaborer avec ceux des fonctionnaires qui ont accepté de se mettre à la disposition de l’Etat, éloigner dans des prisons ou des centres de résidence surveillée les  irréductibles qui présentaient un danger pour la paix et la sécurité, surveiller les exilés en relation étroite avec les pays d’accueil. Bref, il a fait sien la célèbre citation du président Houphouët selon laquelle la politique est la saine appréciation des réalités.

Il est toujours au pouvoir et va facilement gagner les élections. Il n’a pas résolu tous les problèmes, mais il a pu remettre la Côte d’Ivoire sur les rails. La Côte d’Ivoire résoudra ses profondes contradictions internes lorsque les institutions seront suffisamment fortes et stables, ce à quoi, j’espère bien, il s’attèlera lors de son deuxième mandat.

Cette présentation met en évidence la qualité de leadership de l’un et de l’autre. Un leader est celui qui peut prévoir, prévenir et faire face à l’imprévu. L’un a foncé tête basse avec ses convictions sans tenir compte des réalités et est rentré dans le mur. L’autre, fait sien de tout son environnement national et international, ce qui lui permet d’avancer prudemment, mais sûrement.

Abahebou Kamagate

Pour une numériastion des transactions financières

S’il y a une chose qui m’écoeure et que je n’arrive pas à comprendre, c’est le problème de monnaie en Côte d’Ivoire. C’est un casse-tête permanent pour tous les Ivoiriens. Prendre un véhicule de transport en commun, effectuer un achat dans la boutique du quartier, faire ses emplettes dans les grands centres commerciaux, payer son ticket de parking à l’aéroport, c’est toujours la même chanson que l’on entend : pas de monnaie. Le pire, ce sont les banques. Eh oui ! Même les banques n’ont ni les pièces, ni les coupures de moins de 5000fcfa. Dans les cours que j’ai eu en finances, on m’a expliqué que la banque centrale détermine la quantité de billet à mettre en circulation sur la base des besoins de l’économie, les fabrique et les met à la disposition des banques commerciales qui à leur tour les rendent disponible à la population. Est-ce possible qu’il n’y ait pas d’économistes compétents dans la première économie de l’UEMOA pour estimer les besoins en monnaie ? Comment se fait-il que la BCEAO ne puisse pas régler ce phénomène qui persiste depuis si longtemps? A qui profite le manque de monnaie ? Sûrement pas à la population.

Si tant est que cette situation est difficile à résoudre, ne serait-elle pas une opportunité pour tourner résolument vers une solution sans argent physique ou à tout le moins le moins possible? Au fait, pourquoi les autorités financières ne prôneraient-elles pas au plan national et même au sein de l’espace UEMOA, la promotion d’une solution de numérisation des transactions ? Les technologies de l’information et des télécommunications offrent des solutions et sont une aubaine et une opportunité à saisir. En effet, avec les solutions de transactions financières par les téléphones mobiles, sur internet et avec les cartes à puces, il existe toute une panoplie de moyens adaptés aux différents besoins. Pour les opérations de tous les jours, la solution mobile est un moyen très approprié. Le téléphone mobile est présent dans toute la Côte d’Ivoire, des quartiers précaires d’Abidjan aux campements les plus reculés. Cela est un très grand avantage qu’il faut exploiter. Vivement que tous les acteurs du système financier y croient. La monnaie électronique est très possible et requiert simplement une bonne volonté en prenant certaines dispositions et mesures afin qu’elle rentre véritablement dans les meurs.

Le premier obstacle est la méfiance ; pour le lever, il faut créer un environnement de confiance pour rassurer tous les utilisateurs en mettant en place un cadre réglementaire qui garantisse les transactions et offre un moyen de gestion des réclamations et des conflits à l’instar de ce qui existe déjà au niveau des transactions bancaires classiques.
Le deuxième obstacle est l’impossibilité de faire des opérations inter-opérateur. En effet, il est impossible de transférer de l’argent par exemple d’un compte Orange Money vers MTN Mobile Money et vice-versa. Il est indispensable de permettre ce type de transaction.En outre, un usage courant requiert un moyen de traçabilité des transactions, la possibilité d’avoir un relevé, de donner une description à la transaction, ce qui facilitera une meilleure compréhension et surtout leur comptabilisation.

Il est temps, grand temps d’aller vers le 21è siècle, il est temps de sortir de cette situation inconfortable qui fait perdre régulièrement des ventes à des opérateurs économiques et de l’argent à la population (c’est tellement fréquent de laisser à la caisse le change de 25, 50 ou plus faute dit-on de monnaie ; Il m’est arrivé à plusieurs occasions de renoncer à un achat simplement parce que le commerçant dit qu’il n’a pas de monnaie) . La monnaie électronique est à nos portes, tirons-en profit.

Par Abahebou Kamagate
Ingénieur à la retraite
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Confusion entre l'Etat et les partis politiques : cas des visites d'Etat en Côte d'Ivoire

Il y a quelques semaines, le président de la République de Côte d’Ivoire effectuait une visite d’Etat dans les régions de l’Agneby-Tiassia (départements d’Agbovile et de Tiassale) et de la Me (départements d’Adzopé, d’Akoupé et d’Alépé). Cette visite a connu un immense succès populaire. Les journaux et analystes proches du Rassemblement des Houphouetistes ont estimé que cette mobilisation massive est la démonstration d’un virage politique des populations de ces régions. Pour eux, c’est un signe de réalignement politique et un démenti formel à l’idée que ces zones soient des bastions du FPI. Loin de moi l’idée de nier cette manière de voir, je voudrais simplement déplorer cette attitude de confondre l’institution et l’individu qui l’incarne, la République et les partis politiques, les intérêts nationaux et les intérêts partisans. Bref, c’est cette incapacité à faire la différence entre le privé et le public qui pose problème.

Le président Alassane Ouattara a effectué une visite financée par l’argent de tous les contribuables. Il n’a pas été reçu ni en tant que président ou candidat du RDR, ni comme président du RHDP, mais en sa qualité de Président de la République, chef de l’Etat. Recevoir le président de la République non seulement c’est honorer l’institution qu’est la présidence, mais aussi et surtout c’est faire preuve de civisme. Il est vrai que l’individu qui incarne la fonction peut susciter un engouement qui soit conforme à sa propre popularité; il faut cependant éviter de tomber dans l’amalgame. Ce d’autant que ce type d’interprétation empêche ceux et celles qui ont un autre point de vue de se comporter en citoyens de peur de se faire accuser de vendus ou de malhonnêtes. C’est ce type d’interprétation qui est une des sources des crises électorales que nous connaissons trop souvent parce que les résultats sortis des urnes sont trop différents de la conclusion tirée par les états-majors à l’occasion de ce genre de visite ou d’activités des représentants de l’Etat. L’ex président Gbagbo, pour avoir cru à ces mêmes scènes d’accueil populaire a été facilement convaincu que les résultats de l’élection présidentielle de 2010 dans les régions du Nord ne pouvaient être crédibles. La suite on la connait.

La République et les populations Ivoiriennes seront mieux servies par les médias et les politiciens en évitant ces lectures pernicieuses, aux conséquences dangereuses pour la cohésion et la paix.

Par Abahebou KAMAGATE
ingénieur à la retraite

Le danger qui guette le régime du président Ouattara

La Côte d'Ivoire a vécu des moments très tumultueux, atteignant le summum lors de ce qu'on a appelé la crise post-électorale. Comme on dit, « à quelque chose malheur est bon », les Ivoiriens ont pu voir à l’œuvre successivement les principaux acteurs politiques de la fin du régime de Félix Hopuhouet Boigny :

  • le président de l'Assemblée Nationale et successeur constitutionnel à la présidence de la République, Henri Konan Bédié
  • le premier Ministre, Alassane Dramane Ouattara
  • le principal chef de l'opposition politique Laurent, Koudou Gbagbo
  • le chef d’État Major des forces armées nationales, le Général Robert Guéi

Certes de nouveaux acteurs sont apparus, issus essentiellement du monde estudiantin forgé par la Fédération Estudiantine et Scolaire de Cote d'Ivoire (FESCI), Guillaume Kigbafori Soro et Blé Goudé pour ne citer que ces deux-là. Chacun des acteurs, dans des circonstances particulières, a montré ce qu'il pouvait faire pour la Côte d'Ivoire. A ce stade, je voudrais souligner un point important : un leader est celui qui sait prévoir, prévenir et faire face à l'imprévu. Celui qui ne peut accomplir ces trois missions ne mérite pas d'être leader. Un petit regard sur les acteurs pour nous situer.

M. Bédié n'a pu comprendre quel pouvait être les effets d'une tribalisation de la gestion de l’État et n'a pu anticiper ses conséquences qui l'ont emporté.

Le Général Guei n'a pas compris l'environnement politique que lui a légué le coup d’État. Il s'est fourvoyé et cela lui aura coûté son pouvoir et sa vie.

M. Gbagbo, quant à lui, obnubilé par sa volonté de refondre la Côte d'Ivoire à sa vision ethno-régionale, n'a pas compris que plus d'un siècle après la colonisation et plus de 50 ans après l'indépendance, la Côte d'Ivoire n'est pas un territoire peuplé uniquement par des gens issus des tribus dites « de souche ».

M. Ouattara est au pouvoir, il s'attelle à la reconstruction économique ; prendra-t-il en compte toute la complexité de la Côte d'Ivoire ? Seul l'avenir nous le dira.

A ce stade de notre aventure en tant que communauté d'un même Etat, chacun d'entre nous peut tirer les conclusions de ce que notre pays a vécu dans son histoire récente. Pour moi, je retiens simplement que nous avons reculé sur beaucoup de plans, la sécurité étant la plus importante. Aujourd'hui, je crois sincèrement que la priorité des priorités doit être l'avènement d'un environnement dans lequel les personnes vivant dans notre pays peuvent se sentir en sécurité. En analysant ce passé récent et en jetant un regard sur ce qui se passe aujourd'hui, il me semble important que les acteurs politiques assument au minimum leur responsabilité historique. C'est pour cette raison que je voudrais lancer cet appel

La Côte d'Ivoire a basculé dans ses périodes sombres parce que les différents régimes qui ont succédé à celui du président Houphouët n'ont pas fait l'effort de comprendre les réalités socio-économiques de leur temps ; ils ont confondu leurs fantasmes et leurs idéologies avec ce qu'est la réalité de la Côte d'Ivoire.

Mon appel du cœur est que nous ne revivions plus ces moments douloureux et pour cela, il est vital et indispensable qu'un environnement un peu plus stabilisé et assaini soit créé pour permettre une activité politique qui ne soit vecteur de guerre.

Depuis la fin de la crise post-électorale et l'accession au pouvoir du régime RHDP, j'ai lu et écouté plusieurs déclarations des membres de l'opposition politique issus du Front Populaire Ivoirien (FPI) et des organisations qui lui sont proches. Ce qui me frappe, c'est que personne parmi eux n’accepte ne serait-ce qu'un minimum de responsabilité dans toutes les atrocités que le pays a connu ; tout est la faute des autres. Et le plus triste, c’est cette incapacité des intellectuels à faire une analyse critique de l’échec de la politique de refondation. Oui, la rébellion y est pour quelque chose, mais ne s’arrêter qu’à ça, ressemble à une myopie politique ou tout simplement à une malhonnêteté. Quand au pouvoir en place, le danger qui le guette est le manque de signe tangible de lutte contre la mauvaise gouvernance. Certes des annonces sont faites, des institutions mise en place, mais rien de concret pour clairement indiquer une ferme volonté politique. La jeunesse est aux aguets et n’importe quel aventurier talentueux peut s’infiltrer dans cette brèche et les mobiliser. Alors, il faut éviter les mêmes erreurs que les régimes précédents, ne pas comprendre la réalité de la société et se faire surprendre par la rue.

Les frondeurs du PDCI sont-ils les vrais gardiens du temple PDCI-RDA?

Le philosophe et politicien Français Roger Garaudy a écrit dans son livre « biographie du XXème siècle », citant Jean Jaurès,

« que rester fidèle, c'est transmettre du foyer des ancêtres, non la cendre, mais la flamme, et que c'est en allant vers la mer qu'un fleuve est fidèle à sa source ».

Tous ceux qui se réclament de l'Houphouetisme devraient méditer cette pensée. Au moment de la disparition du président Houphouet Boigny en 1993, le pays était géré par quatre personnalités qui incarnaient les institutions dont elles avaient la charge ;

  • Henri Konan Bédié, président de l'assemblée nationale, successeur constitutionnel à la présidence de la République
  • Allassane Dramane Ouattara, premier Ministre assurant l'intérim de la présidence lors de la longue indisponibilité pour cause de maladie du président
  • Laurent Dona Fologo, secrétaire Général du PDCI-RDA, parti unique de fait
  • Général Guei Robert, chef d'état-major des Forces Armées Nationales de Cote d'Ivoire

Ces personnalités se sont battues pour récupérer l'héritage du chef. Pour paraphraser cette récitation apprise à l'école primaire « pour un âne volé, deux voleurs se battaient ;….. arrive un troisième larron qui saisit maitre Aliboron » . je dirait que pour un pouvoir vacant, deux héritiers se battaient; et arrive un troisième larron qui se saisit du fauteuil présidentiel et s'assied là-dessus fermement ». Aujourd'hui, plus de 20 ans après, de nouveaux héritiers apparaissent et se présentent comme les vrais gardiens du temple, ceux à qui il incombe de protéger la maison sacrée; ainsi, des voix s'élèvent pour placarder l'actuel président du PDCI en l’accusant de haute trahison, suite à ce que les médias ont pompeusement baptisé « l'appel de Daoukro » dans lequel celui-ci demande à son parti de soutenir une candidature unique RHDP à la prochaine élection présidentielle.

Hors du sérail des partis politiques, quand j'analyse toute cette frénésie (probablement plus médiatique que réelle), je vois toute la laideur et l'hypocrisie de la politique. Les politiciens ne défendent que leurs intérêts personnels ponctués par de gros égos et des ambitions parfois démesurées. Dans ce tohu-bohu, je me suis posé la question de savoir ce que voudrait dire être Houphouetiste ?

En effet, que devrait dire être Houphouetiste ? A mon sens, c'est adhérer à «la chanson d'Houphouet », à savoir la paix, celle d'abord entre les frères et sœurs. Houphouet disait qu'il est « possible de corriger une injustice, mais pas un désordre ». Qui sont ceux qui semblent suivre mieux cette philosophie entre les pros et les anti appels de Daoukro ? Le président ajoutait aussi que la politique est la vraie appréciation de la réalité. Force est de constater que cette réalité dans la Côte d'Ivoire d’aujourd’hui, c’est d’abord l’ordre après cette décennie perdue qui l’a laissé dans un état de convalescence avancée nécessitant des soins appropriés. Par conséquent, toute la lutte politique devrait viser en premier l’avènement d’une Côte d’Ivoire dotée de barrières contre le retour du désordre. Et pour cela il faut un minimum de compromis entre les acteurs politiques pour créer un environnement de paix et de calme politique préalable à tout développement socio-économique. Bien sûr, ordre ne veut pas dire dictature.

Houphouet s'était fait une vocation à réconcilier ceux qui s'étaient divisés. Après les querelles qui ont entraîné le départ de plusieurs des militants du PDCI-RDA après sa mort pour créer d'autres partis, être Houphouetiste aujourd'hui et continuer l’œuvre, ce serait d'abord de ramener les fils partis vers d'autres cieux vers l'idéal commun. Cela permettrait de mettre ensemble leurs forces intellectuelles et financières pour continuer l’oeuvre de construction de la Côte d’Ivoire. En conséquence, ceux qui jettent l'opprobre sur Bédié devraient avoir pour ambition principale de faire du RHDP l'outil qui poursuit le combat entamé par Houphouet. Le nom que porte un outil n'est pas le plus important, c'est ce qu'on fait avec qui est primordial. Bédié et Ouattara ont su et pu enterrer leur hache de guerre, enterrer ce passé pas si lointain qui a fait basculer la Côte d'Ivoire dans le chaos, pour oeuvrer ensemble avec un seul objectif (c'est ce que je crois): permettre à la Côte d'Ivoire d'aller de l'avant. Pour cette raison, je pense qu’ils sont plus fidèles aux idéaux d'Houphoeut Boigny que tous ceux qui s'activent actuellement en prétendant défendre l'héritage du fondateur du PDCI-RDA.

Si ceux qui se présentent comme les « gardiens du temple PDCI-RDA » veulent le faire pour respecter l'héritage d'Houphouet, s'ils le font sincèrement, leur première tâche devrait être de travailler à réunifier la famille et y ramener la paix et l’ordre. Cela leur commande de faire revenir tous ceux qui l'ont abandonné : à savoir les quatre acteurs et leurs fidèles. Si cela nécessite de changer le nom du PDCI-RDA pour continuer l'oeuvre, pourquoi ne pas le faire, ce sera simplement l'affirmation de sa continuation, l’abandon de soi pour le bien commun. Oui, quand un père lègue un champ, on ne se contente pas d’en récolter les fruits, on peut le moderniser, l'étendre ; bref, l'adapter aux conditions de son époque. Etre Houphouetiste, c'est avant tout rester fidèle aux principes et aux objectifs du président Houphouet à savoir : la paix dans l'unité et la fraternité. Je crois que le nom que porte un parti politique n’est pas une fin en soi. Ceux qui veulent défendre le nom PDCI comme un objectif manquent l’essentiel. A quoi sert le PDCI ? C’est cela l’important. Le maintenir en l’état répond-il aux exigences de l’heure ? Telle devrait être la question à laquelle les Houphouetistes devraient répondre. De l’extérieur de la famille Houphouetiste, il me semble que la meilleure voie pour renouer avec les idéaux de 1946, date de la création du PDCI, devrait être de rebaptiser le PDCI-RDA pour l’adapter aux contingences de l’heure; une bonne idée serait simplement d’insérer le nom Houphouet dans la nouvelle dénomination, ceci permettrait non seulement d'immortaliser et continuer son œuvre, mais aussi de ramener dans la maison commune tous les fils et filles pour le bonheur d’une Côte d’Ivoire apaisée.

Par Abahebou Kamagate

Fonds Régional d’Aménagement Rural

FRAR ! Ce sont quatre lettres qui ont une signification importante pour une tranche de la population : celle qui a connu le régime du Présid...