L’illusion de la liberté

Aujourd’hui toute la planète terre vit dans un monde virtuel. Et une des conséquences de ces nouveaux espaces est la création de « communautés virtuelles », dont les membres ne communiquent qu’entre eux et finissent par ignorer le monde extérieur à leur espace. Même les vérités les plus évidentes sont désavouées. Les spécialistes de la manipulation s’en servent et incitent les membres du clan « virtuel » à plus d’extrémisme et à moins de tolérance. Cela s’observe à tous les niveaux de la vie sociale. Les groupements sont aussi bien politiques, économiques, religieux et géographiques. Ce phénomène a généré une rupture du dialogue social dans beaucoup de pays. La démocratie politique, centre de l’art du compromis, a perdu de sa splendeur. A la manipulation de l’establishment politique, militaire, économique et financier, répondent les populistes de tout-bord : nationalistes et idéologues de droite et de gauche dans le monde occidental, pseudo-nationalistes et tribalistes en Afrique. Chacun est totalement sûr que « sa vérité » est la vérité absolue, la norme.

Ce nouveau phénomène a et aura des impacts très importants sur la société et remet totalement en cause celle que l'être humain a connu depuis son apparition sur cette planète terre. La géographie a été le 1er facteur ayant contribué à l'installation d'un groupe d’individus en un endroit, d’y vivre et de former des foyers. Au 18è siècle, la distance moyenne qui séparait les membres d’un couple (homme et femme) était d’environ 40 kilomètres, c’est-à-dire la distance qu’un individu pouvait aisément parcourir à pied une journée . Aujourd’hui, il n’y a même plus de limite dans le monde virtuel. Des couples se forment entre des individus séparés de plusieurs milliers de kilomètres et qui se sont rencontrés à travers les réseaux sociaux. Les notions d’espace et de temps ont totalement perdu de leur sens historique.

L’impact de ces médias sociaux, outil par excellence des espaces virtuels, reste encore inconnu sur la société. De nombreuses études et recherches y sont consacrés tendant à mieux les comprendre. Les médias sociaux fonctionnent d'abord comme un espace de communication et d'échanges, s'appuyant sur le réseau internet. Il est utile de s'arrêter un peu sur comment tout ce système est organisé et fonctionne. Il y a l'ossature internet, qui est comme l'indique le nom en anglais, un ensemble de réseaux de communication, interconnectés entre eux dans le monde entier. Les supports sont aussi bien des câbles en fibres optiques que des réseaux de satellites. Les informations transmises sous forme de texte, d'images, d'audio ou de vidéos, sont transformées en ondes électriques et transmises à la vitesse de la lumière. Ainsi toute information est capable d'atteindre n'importe quel endroit du globe, à partir de n'importe quel autre, en fractions de secondes. Il est devenu possible à n'importe qui, doté de l'équipement approprié, d'entrer en contact avec n'importe qui, partout dans le monde, du plus petit hameau au plus grand centre métropolitain. Aujourd'hui, les moyens d'accès à Internet se sont démocratisés, disponibles partout et à la portée de presque toutes les bourses. Leur utilisation est simplifiée au maximum, permettant à ceux qui n'ont aucune connaissance technique de se l'approprier.

La réalité de ce nouveau mode de communication - que dis-je - de vie, n'est connu que par une frange très faible des utilisateurs. Comment a-t-il été possible à des sociétés comme Google ou Facebook, qui ont utilisé un modèle économique atypique, à savoir, la gratuité de leurs services, d'accumuler une si grosse fortune, au point de figurer en un temps très court parmi les plus grandes entreprises mondiales ? A la base, il y a les immenses bases de données, dans lesquelles chaque utilisateur est identifié, toutes leurs activités et leurs contenus sont enregistrés. La gestion de cette importante masse de données, que les spécialistes appellent "big-data", a nécessité la mise au point de nouveaux outils appelés "data-mining" . En effet, le contenu de ces bases de données ressemble à une mine dans laquelle sont enfouies des données qu'il est loisible d'explorer et de traiter pour en sortir des produits finis et vendable sur le marché. Le « data-mining » est une discipline qui s'est développée autour de ce concept et est intégré dans les programmes de formation en informatique et dans les disciplines connexes. Les nouvelles multinationales dans le secteur des médias sociaux puisent la plus grande partie de leurs revenus en vendant de façon très élaborée ces données traitées. Inconsciemment, les utilisateurs payent l'utilisation gratuite en fournissant à ces entreprises les moyens de les suivre, et grâce à des algorithmes très sophistiqués de définir leur profil. Avec de plus en plus de l'intelligence artificielle, le marquage s'affine et devient plus pointilleux et précis. Les organisations gouvernementales et privées s'en servent pour faire du renseignement, de la propagande ou de la publicité.

Quelques exemples, rapportés par les médias, illustrent l'ampleur de l'utilisation des données récoltées sur les réseaux sociaux. La campagne présidentielle de Barak Obama en 2012 qui a fait un usage très extensif des réseaux sociaux en est une bonne illustration. Voici ce qu'en rapporte le journal en ligne « lesechos.fr » dans son édition du 13/12/2012 : « l’une des innovations digitales les plus déterminantes a sans doute été la collecte d’un grand nombre de données destinées à motiver les votants. Un programme de "targeted-sharing" qui permettait d’intéresser les amis, connaissances et relations éloignées des partisans d’Obama à travers des messages personnalisés envoyés via Facebook, le téléphone ou d’autres moyens en ligne. Teddy Goff estime que près de 5 millions de votants ont été contactés de cette façon, des jeunes pour l’essentiel. » L'équipe en charge de la campagne digital a élaboré un système prenant appui sur les fichiers électoraux (électeurs et résultats des élections précédentes), les données des médias sociaux entre autres Facebook, Twitter et Snapchat. A l'aide d'un algorithme conçu à cet effet, il leur était possible de pourvoir aux activistes sur le terrain, aux analystes politiques et stratégiques, des informations ciblées. Cette même approche est utilisée par les compagnies de marketing et de publicité pour atteindre leurs cibles.

Les entreprises les plus importantes qui détiennent et gèrent les médias sociaux sont essentiellement américaines. A part quelques exemples, tous les réseaux interconnectés, tous les centres de gestion des « big-data », éléments qui rendent possible et facilitent le transport et la diffusion des informations, ont un élément en commun : leur point névralgique est situé aux Etats-Unis d'Amérique. Lorsqu'une personne localisée par exemple à Abidjan communique avec une autre localisée à Soubré en utilisant un de ces médias sociaux (Facebook, Messenger, WhatsApp ou tout autre), les informations transitent par des serveurs situés aux Etats-Unis. C'est une vraie arme à la disposition de cette super-puissance dont les services de renseignement s'en servent à merveille. Le scandale suscité par l'affaire Edward Snowden, cet informaticien travaillant à l'Agence Nationale de Renseignement (NSA) qui a rendu public le travail effectué par cette agence, a permis de mettre en évidence ce que pouvait être obtenu à partir de ces « big-data ».

La partie visible de l'iceberg socio-technologique est l'usage qu'on en fait. Que de facilités les nouvelles technologies ont rendu possible ! Il faut se rappeler combien pouvait coûter, il n'y a pas si longtemps, une communication téléphonique à partir de la Côte d'Ivoire vers Europe, les Etats-unis et même les pays limitrophes. WhatsApp, Skype et les autres sont arrivés. Ils ont tout simplement chamboulé le système et ont créé de nouvelles normes. Il est maintenant possible de converser avec la personne qu'on aime pour presque rien, bien sûr en enrichissant le « big-data ». Mais qui s'en occupe ! Cette facilité permet des choses inimaginables il n'y a pas trop longtemps. Les entreprises de vente en ligne ont complètement restructuré l'industrie du commerce de détail, l'accès à l'information est facilité par les moteurs de recherches au point d’avoir créé un nouveau mot : googler. Le plus fantastique et aussi le plus inquiétant est le fait d'avoir donné la possibilité à tout un chacun de s'exprimer et de se faire entendre, il n'y a presque plus de censure. Ceux qui, à cause de la nature de leur propos, aurait eu de la difficulté à faire entendre leur voix, ont désormais des plates-formes pour s'exprimer. Ceux qui, assis dans leur coin, ruminaient leur désarroi, leur haine, leur angoisse et leur solitude, trouvent des voix, parfois à mille lieues, qui donnent un écho à la leur, leur donnant de l'amertume ou de l'espoir. Ils acquièrent de la vigueur pour construire, détruire, insulter, glorifier, débiner, bref de faire ce qui leur passe par la tête. Les méchants, les loups, les poètes, les philosophes, les analystes : bref, tout le monde a la possibilité de s'exprimer. Le "bilakoro”, caché derrière son clavier, peut insulter, vilipender sans se sourciller et sans conséquence, le puissant roi, le président autoritaire, le leader charismatique. L'ignorant peut contester les propos de l'érudit ! C'est la foire à tous les propos.

La propagande de toutes sortes d'idéologie et de religions abondent. Les groupes se prolifèrent à souhait. Ainsi se côtoient les discours de la haine et de l'amour, du fascisme et de la démocratie, de la liberté et de la dictature. Tout le monde peut s'exprimer, dans un vacarme et un brouhaha indescriptible que les moteurs de recherche et les algorithmes sophistiqués tentent de dompter. Ainsi va ce monde des nouveaux médias. Pour s'y retrouver, une nouvelle filière, la gestion de médias-sociaux, a vu le jour afin de mieux cerner ce tohu-bohu. Ceux qui s'en spécialisent sont employés par les entreprises, les hommes politiques ou encore les vedettes de toutes sortes de domaines pour gérer leurs comptes sociaux.

Fonds Régional d’Aménagement Rural

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