Pour l'avenement d'un Ivoirien nouveau (2è partie)

Pour bien combattre la corruption, il est important de bien comprendre les éléments qui l’alimentent et l’entretiennent. Nous allons tenter de le faire en nous référant à des recherches effectuées par le professeur Eric M. Uslaner, du Département des études politiques et gouvernementales de l’Université du Maryland–College Park, dans l'État du Maryland aux Etats-Unis . Ses travaux ont porté sur différents pays. Il a analysé l’incidence de plusieurs paramètres sur la corruption ; ce qui l’a amené aux conclusions suivantes :

  1. La corruption est un phénomène persistant ;
  2. les changements d’institutions ou de dirigeants ont un très faible impact sur la corruption ;
  3. Il existe une corrélation ente la répartition des richesses et la corruption en d’autres mots, l’inégalité favorise la corruption ;
  4. la confiance dans les institutions et la confiance entre les différentes communautés ont un impact sur la corruption ;
  5. La corruption est plus accentuée dans les pays pauvres ; cependant l’augmentation du produit intérieur brut n’entraîne pas pour autant un recul notable de celle-ci ;
  6. Les institutions fortes ne sont pas l’émanation des reformes constitutionnelles ou institutionnelles, mais sont le reflet de la culture de la société ;
  7. L’état de droit dépend du respect de la loi par les populations et non du nombre ou de la qualité des lois ou du nombre de cours de justice ou de la qualité du corps judiciaire.

Comme on le voit, la corruption est d’abord et avant tout un état d’esprit. Elle est une chaine auto-entretenue. Elle part d’une situation économique et sociale qui génère une culture : la culture de la corruption avec son vocabulaire, ses gestes, ses comportements. Cette culture à son tour inhibe toute les initiatives positives au profit de la communauté nationale et bloque toutes les tentatives de développement. Le manque de progrès économique accentue la pauvreté et les inégalités. Les inégalités augmentent le manque de confiance dans les institutions et envers les dirigeants et pérennisent la mentalité de la corruption. Ainsi la chaîne est bouclée et la corruption continue à tourner. Pour changer le fonctionnement d’un tel système auto-entretenu, il faut casser la chaine à un endroit en y introduisant de nouveaux éléments. C’est ce que les travaux ont essayé de faire ressortir à travers les cas de certains pays qui ont pu endiguer le phénomène. Ces exemples montrent que la Côte d’Ivoire peux en faire de même. Il suffit de le vouloir. Le combat contre la corruption a eu des résultats très positifs à Hong-Kong, Singapour et au Botswana. Par contre, ils l’ont été nettement moins au Mali, au Nigeria et en Roumanie. Les leçons retenues à l’analyse de ces cas se résument en ces points :

  • La lutte contre la corruption est un travail permanent dont le succès ne peut s’obtenir que dans la durée ;
  • Ni le multipartisme, ni les élections ne constituent la clé, si celles-ci ne respectent pas certaines conditions ;
  • La lutte contre la corruption est accomplie par des organisations indépendantes dotées de pouvoirs forts et de moyens appropriés, travaillant dans une transparence totale, gage de la confiance de la population envers elles ;
  • La lutte nécessite la sensibilisation avant la répression et doit se reposer sur des dirigeants modèles.

Quels sont les éléments qui ont permis le succès dans certains pays ? Les autorités politiques de Hong-Kong , suite à plusieurs scandales, sont arrivées à la conclusion que le niveau de corruption dans leur pays était devenu intolérable et ont alors engagé un combat frontal. Elles ont crée un instrument, la « commission indépendante contre la corruption » (Independent Commission Against Corruption) pour conduire la bataille. Ses premières actions ont consisté à lancer une vaste campagne à l’endroit de toutes les couches de la population; à cet effet, elle a élaboré un programme qui a été inclus dans le cursus scolaire, du primaire au supérieur. Dotée de moyens importants, elle est libre d’entreprendre toute enquête et de poursuivre toute personne. Mais la plus importante partie de son travail a été focalisée sur la sensibilisation en mettant dans la conscience collective les effets néfastes de la corruption sur l’économie et de façon plus générale sur les intérêts du pays. Avec la volonté politique qui a soutenu ce travail, il a été ensuite aisé d’obtenir le soutien de la population. Le « Corrupt Practices Investigation Bureau » a Singapour est le bras armé des autorités de ce pays pour la lutte contre la corruption. Hong-Kong et Singapour étaient dans les années 60 parmi les états les plus corrompus au monde. Ils occupent respectivement les 17è et 7è place dans le rapport 2014 de Transparency International.

Pour obtenir un « Ivoirien Nouveau », il est vital et indispensable de hisser la corruption au niveau le plus élevé des priorités en Côte d’ivoire. La corruption n’est pas une fatalité. Elle est le reflet de la culture de notre société et pour la combattre, nous devons travailler sur cette conscience collective. Et cela ne peut advenir qu’avec un travail collectif incluant toute la composante de l’Etat, la société civile et les médias. La Haute autorité pour la Bonne gouvernance mise en place ne peut réussir seule cette mission. Le travail doit s’appuyer sur des hommes et femmes intègres eux-mêmes et véritablement engagés dans un travail qui ressemble à un sacerdoce. Et cela est possible. Oui, il existe bel et bien dans notre pays des hommes et des femmes qui ont encore une conscience aigüe de l’honnêteté et de l’intégrité et qui sont prêts à aider notre pays à sortir du cercle de la misère. Il suffit d’avoir une réelle volonté au sommet de l'État pour les mettre en mouvement.

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